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La Fast Fashion est-elle en train de couler la filière textile française et européenne ?

I. L'indignation qui nous pousse à agir

Récemment, une simple recherche m'a fait bondir de ma chaise. Cherchant "châle en lin" sur Google, je tombe sur une offre à... 2,79 € !

Et devinez quoi ? La livraison est incluse.

La tromperie est évidente pour quiconque connaît le coût de la matière et du travail éthique. Mais pour le consommateur non averti, c'est l'affaire du siècle.

Derrière ce prix irréaliste se cache la Fast Fashion (SHEIN, TEMU...) :

  • une production ultra-rapide
  • des prix cassés
  • une qualité minimale
  • des travailleurs exploités
  • des créateurs bafoués
  • une catastrophe environnementale à la fabrication et après utilisation

Aujourd'hui, l'enjeu principal est la survie de toute notre filière textile, de l'agriculteur au tisseur, en France et en Europe. Ce modèle est en train de nuire directement à notre économie, à nos savoir-faire et à nos emplois.

Il est temps de comprendre pourquoi et, surtout, d'utiliser notre pouvoir de dire NON.

II. Le modèle économique de la Fast Fashion : une concurrence déloyale

A. Le Mythe du Prix Mini et les Coûts Cachés

Comment est-il possible de vendre un "châle en lin" à 2,79 € ? La réponse est simple : ce prix ne couvre aucun coût réel.

Il ignore le coût de la matière première de qualité, la juste rémunération de la main-d’œuvre éthique, et les frais de transport normaux. L'application de la TVA reste floue.

Quand on compare cela au lin français — une fibre exceptionnelle, cultivée localement et transformée dans le respect des normes européennes — l'écart est abyssal.

La Fast Fashion utilise des fibres synthétiques, ment sur la composition (le fameux châle était en fait... 100% polyester !). Ces pratiques contournent toutes les exigences qui font la force et le coût de la production européenne.

B. La vente à perte déguisée et les zones grises

Le pire, c'est la logistique.

L'un des secrets de ces plate-formes asiatiques réside dans une faille réglementaire : les commandes de moins de 150 euros ne sont pas taxées à l'importation dans l'UE.

En expédiant par avion, chaque jour des milliers de colis individuels, les marques maximisent cet avantage.

Le résultat est flagrant : La Poste estime que Shein et Temu fournissent près de 25 % des 12 millions de petits colis qui entrent quotidiennement dans l'Union européenne.

Quand un produit est vendu moins cher que le coût d'envoi d'une simple lettre en France, c'est la preuve d'un système déséquilibré.

Ces prix bas sont le fruit d'une optimisation fiscale et logistique poussée à l'extrême, créant une zone grise de concurrence totalement déloyale. L'entreprise française ou européenne, elle, paie ses charges, ses taxes et les frais de livraison à leur juste valeur.

III. Les méfaits sur la filière textile et l'emploi

A. Destruction de la filière textile française et européenne

En 2024, 4,5 milliards de colis bon marché ont inondé l'Europe via l'e-commerce asiatique. Les fédérations européennes du textile dénoncent une concurrence déloyale et pressent l'Union européenne d'agir immédiatement pour stopper ce flot.

L'impact de la Fast Fashion fragilise toute la chaîne de production :

  • L'industrie textile européenne ne peut pas rivaliser. Les usines ferment. Les emplois qualifiés disparaissent.
  • L'impact remonte jusqu'à nos matières premières : le liniculteur, le filateur, le tisseur. Ils subissent la pression d'un marché qui ne valorise plus leur travail ni la qualité de leurs fibres.

En tant que créatrice qui utilise le lin local, je le vois tous les jours : le coût de ma matière première seule est déjà plus élevé que le prix de vente final de ces produits importés.

Ces géants mettent en péril tous ceux qui s'engagent à payer des salaires décents, à utiliser des matériaux durables et à perpétuer un savoir-faire.

Soutenir ce fléau, c'est affaiblir les entreprises qui investissent, innovent et respectent l'environnement sur notre territoire.

IV. Le rôle des pouvoirs publics : remettre à niveau les règles

A. Le flou réglementaire et l'urgence d'un contrôle

C'est là que l'on se sent impuissant : comment les autorités peuvent-elles laisser un produit appelé "châle en lin" être en réalité 100% polyester ?

Il y a un manque criant de contrôle sur la dénomination des produits et leur composition réelle. Il est urgent que les autorités européennes et nationales renforcent les inspections et sanctionnent la fraude.

En 2025, la Commission Européenne a engagé une action contre les pratiques de SHEIN faisant suite à des enquêtes des services de contrôle de plusieurs états membres. Cette procédure vise des pratiques telles que les faux rabais, la pression à l'achat, et les informations mensongères (sur les droits des consommateurs, les retours ou les caractéristiques environnementales des produits).

Cela démontre un début de volonté de s'attaquer au problème, mais dans combien de temps cela portera-t-il ses fruits ?

B. Les pistes d'actions

Les pouvoirs publics ont des outils. Il faut les utiliser !

Il est nécessaire de sanctionner les marchands de produits non-conformes et dont la composition ne correspond pas à la dénomination.

Il est urgent que les règles qui s'appliquent aux intervenants locaux du marché intérieur européen, s'appliquent également à tous les produits importés.

On ne parle pas de ralentir le commerce, mais d'assurer un marché équitable pour ceux qui jouent le jeu.

V. Notre pouvoir de dire NON - Acheter mieux, c'est possible

Face à la lenteur des décisions des pouvoirs publics, NOUS avons tous un pouvoir immense : notre carte bancaire.

Chaque achat est un choix, un vote pour le type de monde que nous voulons soutenir.

La Fast Fashion est un modèle destructeur, mais nous détenons le pouvoir de la contrer.

Ce pouvoir, c'est celui de l'achat conscient.

1. Pour un engagement total

L'effort d'acheter mieux, moins et localement est notre façon d'agir.

C'est un engagement éthique et environnemental fort, qui soutient directement nos emplois et nos filières.

En privilégiant la qualité, nous choisissons de faire durer.

2. Pour les budgets serrés

"C'est pas cher quand même !" – J'entends cet argument.

Mais il est essentiel d'intégrer le coût réel du vêtement pour la santé, l'emploi et l'environnement.

Un article à 5 € s'use, se déforme et finit à la poubelle très rapidement.

Sans parler des risques liés aux traitements qu'il a subi : allergie, intoxication.

C'est un cycle de dépenses continu.

Ma solution : changer de perspective.

Acheter durable, c'est acheter moins souvent et de meilleure qualité.

Le budget se lisse sur le temps.

Explorez le potentiel de la seconde main, des ressourceries, ou des plateformes d'upcycling.

Ces options permettent d'acquérir des pièces de qualité, à des prix abordables, tout en participant activement à l'économie circulaire.

Chaque achat est un choix, une manière de soutenir le vendeur.

Dire NON à la Fast Fashion, c'est OUI à la qualité, OUI à l'emploi local, et NON à la tromperie.

Selon vous, quelle mesure réglementaire pourrait immédiatement freiner ces pratiques trompeuses ?

Publié dans: Mode

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